10 March 2025 07:15

Donald Trump a les scientifiques dans le viseur et cette liste absurde d’études « wokes » le prouve

ETATS-UNIS – Après les migrants, les minorités et les « wokes », les scientifiques semblent être la nouvelle cible de Donald Trump. Partout sur la planète, des chercheurs se mobilisent ce vendredi 7 mars pour dénoncer les attaques du président américain contre le monde académique. Ce mouvement, intitulé « Stand up for science », dénonce entre autres les coupes budgétaires dans les organismes scientifiques américains et la suppression de bases de données, notamment sur le climat et le genre.

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Mais le sujet au cœur des préoccupations des scientifiques américains reste la possible censure de sujets de recherche jugés d’« extrême gauche » par les trumpistes. Le 11 février dernier, une liste de 3400 projets d’études accusés de « promotion de la diversité » ou de « propagande néomarxiste » a été publiée par le sénateur républicain Ted Cruz. L’élu conservateur du Texas souhaite voir leur financement coupé par la Fondation nationale américaine pour la science (NSF).

Cette vaste opération d’intimidation ne concerne pas que les sciences humaines – fréquemment pointées du doigt par l’extrême droite américaine – mais aussi les sciences dites « dures » comme la médecine, la physique ou la biologie. Le HuffPost a parcouru la liste complète des études blacklistées et fait le point sur le projet de purge trumpiste qui n’épargne aucun champ académique.

« Femelle », climat, Covid… ces mots interdits

Parmi les sujets ciblés par l’administration Trump se trouvent plusieurs marottes de l’extrême droite américaine. Impossible désormais de parler de changement climatique, l’université de Purdue dans l’Indiana pourrait dire au revoir au financement de ses recherches sur les « risques d’inondation dans un climat changeant ». Les trumpistes n’aiment pas non plus qu’on les contredise : l’étude de l’université George Washington sur la désinformation (notamment de la Maison Blanche) pendant la pandémie de Covid est elle aussi considérée comme « radicale » et « woke ».

La purge souhaitée par Ted Cruz n’épargnerait évidemment pas les études de genre et plus largement tous les sujets où les mots « femme » ou « femelle » apparaissent un peu trop fréquemment. La prestigieuse université new-yorkaise de Cornell devrait donc se passer de la NSF pour financer ses recherches sur les « mécanismes de la socialité » et les « tactiques d’accouplement » chez les vertébrés, car l’étude a l’audace de se pencher sur les différences entre les mâles et les femelles.

La bêtise de la sélection peut prêter à sourire, mais elle aurait des conséquences graves sur les projets de recherche actuels ou futurs, notamment dans le champ médical. « Si aujourd’hui, vous voulez comparer les conséquences d’une maladie entre hommes et femmes, vous êtes retoqués, c’est dire l’absurdité », a dénoncé le professeur d’immunologie Alain Fisher ce mercredi 5 mars sur France Inter.

Une traque aux projets qui favorisent la diversité

Parmi les études accusées de « néomarxisme » par l’administration Trump se trouvent aussi des sujets de recherche médicale ou d’ingénierie qui ne mentionnent ni le genre, ni le climat, ni le Covid. Ceux-là sont pointés du doigt car ils assument l’application d’une politique de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), la bête noire des trumpistes.

Exit donc les financements pour l’université de Californie qui voulait mieux soigner les fibroses cardiaques ou pour l’université du Maryland qui cherchait à mieux comprendre le virus de la grippe. Toutes les deux ont mentionné dans leur projet qu’elles voulaient faire appel à des chercheurs de « milieux divers » ou « sous-représentés », de quoi donner de l’urticaire à Ted Cruz et à Donald Trump.

Point de salut non plus pour les chercheurs qui voulaient faire participer à leur étude des élèves ou des étudiants de milieux défavorisés. L’étude de l’université de Géorgie sur l’usage de l’IA en milieu scolaire a ainsi été blacklistée car elle prévoyait une expérimentation auprès d’étudiants en licence dans une faculté promouvant la diversité.

Un coup d’épée dans l’eau ?

Reste à voir si ces purges souhaitées par les trumpistes seront vraiment réalisées : la décision d’un juge fédéral rendue le 21 février dernier empêche déjà l’application de décrets visant à réprimer les programmes de diversité. Ted Cruz et Donald Trump peuvent continuer de dire que c’est l’administration Biden et la gauche qui ont « politisé la science », mais comme l’a rappelé la Radio publique américaine, le NSF a l’obligation légale de rendre les milieux académiques plus inclusifs depuis les années 1990.

Mais comme souvent avec les décisions trumpistes, l’effet d’annonce compte autant sinon plus que la mise en œuvre. La diffusion de la liste des sujets blacklistés a déjà instauré un climat de peur sur les campus. Cette stratégie d’intimidation avait été entamée dès octobre 2024 par Ted Cruz avec un rapport où il pointait notamment du doigt trois chercheuses « wokes » et « radicales ». « C’était effrayant et alarmant », a témoigné Tammie Visintainer, l’une des scientifiques ciblées. « J’ai même fait retirer mon nom de la porte de mon bureau » pour éviter que « les gens sachent où je me trouvais », a-t-elle raconté sur la Radio publique américaine, racontant que le doyen de son université avait eu peur qu’elle reçoive des « menaces ».

Tout ça pourrait donner envie à certains scientifiques de s’exiler hors des États-Unis. Olivier Berné, chercheur en astrophysique au CNRS, a assuré ce mercredi sur France Inter que l’Europe va « probablement » accueillir une fuite des cerveaux. Le Vieux continent a selon lui « un rôle à jouer pour proposer une vision alternative, fondée sur le savoir et les connaissances », face à une Amérique en plein moment « orwellien » dans lequel « deux et deux font cinq si Trump le décide ».

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