19 March 2025 04:17

Bayrou recadre ses ministres et donne raison à Retailleau et Darmanin

Tout est bien qui finit bien? François Bayrou a convoqué plusieurs de ses ministres à Matignon ce mardi midi après des positions divergentes sur le port du voile dans le sport. De quoi, manifestement, parvenir à une position commune entre la ministre de l’Éducation Élisabeth Borne, Gérald Darmanin (Justice), Marie Barsacq (Sports) et Bruno Retailleau (Intérieur) et Aurore Bergé (Égalité hommes-femmes).

“Le Premier ministre a rappelé que le port du voile n’était pas autorisé dans les compétitions sportives. Il n’y a donc pas de sujet”, a assuré un proche de Gérald Darmanin auprès de BFMTV.

“Des critiques internes inacceptables”

Preuve que l’heure était grave: jusqu’ici, le chef du gouvernement s’est toujours accommodé des expressions contrastées dans les rangs ministériels, comme sur le droit du sol à Mayotte ou l’interdiction du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires.

“Les critiques internes entre ministres sont inacceptables”, s’est même emporté le Premier ministre devant des cadres bloc central ce mardi matin.

La séquence qui a suscité l’ire de Matignon a commencé ces derniers jours. Auditionnée par les députés, la ministre des Sports avait mis en garde le 13 mars dernier contre “les confusions” et “les amalgames” entre le port du voile et la radicalisation islamiste dans le sport.

“Les sujets de radicalisation dans le sport sont un autre sujet que le sujet du port du voile et d’insignes religieux”, avait-elle encore insisté.

Retailleau “en désaccord radical” avec la ministre des Sports

Ces propos ont fortement déplu au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui a expliqué samedi dernier dans Le Parisien être “en désaccord radical” avec elle.

Il faut dire que le locataire de la place Beauvau soutient farouchement une proposition de loi LR au Sénat pour interdire le voile dans les compétitions sportives, adoptée dans la douleur le 18 février dernier au Palais du Luxembourg.

À l’instant T, plusieurs fédérations sportives, comme celle du basket et du football, ont déjà banni le port de tenues religieuses de leurs compétitions et l’indiquent dans leur règlement intérieur. Mais ce n’est en rien une obligation légale.

Le texte défendu par les sénateurs visait à interdire le port de signes religieux dans l’ensemble des “fédérations et associations affiliées”.

Un texte au Sénat qui reprend les précisions du Conseil d’État

Le gouvernement a finalement fait adopter dans cette proposition de loi un amendement limitant l’interdiction des signes religieux ostentatoires “aux compétitions sportives organisées uniquement par les fédérations délégataires de service public”. Cette possibilité a déjà été rappelée par le Conseil d’État dans sa décision de juin 2023 après sa saisie par l’équipe de football Les Hijabeuses.

“Les fédérations sportives, chargées d’assurer le bon fonctionnement du service public dont la gestion leur est confiée, peuvent imposer à leurs joueurs une obligation de neutralité des tenues lors des compétitions et manifestations sportives afin de garantir le bon déroulement des matchs et prévenir tout affrontement ou confrontation”, expliquait à l’époque le Conseil d’État dans un communiqué, mais n’y sont pas du tout obligées.

Au lendemain de la passe d’armes entre la ministre des Sports et le ministre de l’Intérieur, la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne avait estimé sur France info que c’était “la responsabilité des fédérations sportives de définir leur règlement intérieur” et donc de choisir ou non d’interdire le port du voile.

“Une réunion qui s’est éternisée”

Réponse du garde des Sceaux Gérald Darmanin jusqu’ici silencieux sur le sujet ce mardi sur TF1: “il faut interdire le port du voile dans les compétitions sportives, c’est une évidence”. La pression est encore montée d’un cran quand l’ex-ministre de l’Intérieur a mis dans la balance sa démission si le gouvernement ne soutenait pas la proposition de loi du Sénat.

Autant dire que François Bayrou, déjà confronté à la colère de Bruno Retailleau sur la question du dossier avec l’Algérie, ne souhaitait pas ouvrir un nouveau front de tensions avec son ministre de la Justice.

“Le Premier ministre a tranché. Il soutient la proposition de loi du Sénat”, avance l’un des participants à la réunion tout en regrettant “une réunion qui aurait dû être rapide et qui s’est éternisé”.

“On espère maintenant que cette réunion va permettre de ramener tout le monde à la raison. On n’est pas dans une cour de maternelle. Bruno Retailleau a déjà menacé de démissionner, maintenant Gérald Darmanin… C’est le jeu de la courte échelle”, a tancé l’une des ministres présente à Matignon.

“Une seule ligne au sein du gouvernement”

Consigne a donc été passée de ne faire entendre que la position décidée par François Bayrou. Le message a été reçu à 100% par Aurore Bergé.

Interpellée lors des questions d’actualité au gouvernement, la ministre chargée de la lutte contre les discriminations a assuré qu’il n’y avait “une seule ligne au sein du gouvernement” sur la question du voile dans le sport, se résumant à “pas de signe religieux ostentatoire dans les compétitions sportives”.

Quant à Élisabeth Borne et Marie Barsacq, elles n’y voient officiellement aucun recadrage.

La proposition de loi du Sénat “concilie l’interdiction des signes religieux dans les compétitions sportives” quand les fédérations le souhaitent ou sont contraintes à la neutralité du service public tout en offrant “la possibilité de toutes et tous de faire du sport en dehors de ces compétitions”, a expliqué la ministre des Sports auprès de BFMTV.

120 clubs signalés

“Les fédérations sportives ont la possibilité d’interdire le port du voile dans leur règlement donc un cadre existe déjà pour protéger la laïcité”, a avancé de son côté une proche de la ministre de l’Éducation nationale.

Commentaire de Bruno Retailleau sur X après le recadrage de François Bayrou: “l’entrisme des mouvements” liés aux frères musumans” dans les associations sportives est une réalité qui doit nous mobiliser tous”.

Depuis la promulgation de la loi contre les séparatismes en 2021, 120 clubs sur 160.000 ont fait l’objet d’un signalement pour atteinte au respect des principes de la République. Seul l’un d’entre eux a fait l’objet d’une fermeture, d’après des chiffres du sénateur PS Jean-Jacques Lozach.

Article original publié sur BFMTV.com

Author