Amir Boukhors, influenceur et opposant algérien, raconte l’enlèvement dont il dit avoir été victime en France

ENLÈVEMENT – L’Algérie a-t-elle voulu intimider un de ses opposants réfugiés en France ? C’est ce qu’affirme Amir Boukhors, 41 ans, qui dit avoir été victime d’un enlèvement le 29 avril 2024. Connu sous le pseudo Amir DZ sur les réseaux sociaux – avec plus d’un million d’abonnés sur TikTok –, l’influenceur est un farouche opposant au régime algérien. Il est installé en France depuis 2016 où il a obtenu l’asile politique, en 2023. Alger a émis neuf mandats d’arrêt internationaux à l’encontre d’Amir DZ, l’accusant d’escroquerie et d’infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition.
L’homme, qui se présente comme un « journaliste d’investigation », a raconté ce samedi 12 avril sur France 2 la tentative d’enlèvement qu’il dit avoir subi. L’enquête sur les faits présumés a abouti à la mise en examen de trois hommes le 11 avril pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire en relation avec une entreprise terroriste. Une affaire qui a de quoi mettre à rude épreuve la réconciliation entre la France et l’Algérie, une semaine jour pour jour après le déplacement du chef de la diplomatie française à Alger.
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« Je suis tombé dans le piège »
Au micro du 20 heures de France 2, Amir Boukhors a fait le récit de sa soirée du 29 avril 2024, où des hommes seraient venus le chercher à son domicile du Val-de-Marne. Un peu avant minuit, l’influenceur aurait remarqué qu’une voiture l’attendait en bas de chez lui. « Je vois un gyrophare et quatre personnes qui descendent avec un brassard de police, a-t-il raconté, ils m’ont menotté et dit qu’un officier de la police judiciaire m’attendait ».
Mais les gardiens de la paix n’en étaient pas vraiment. Amir Boukhors est emmené de force jusqu’à un conteneur isolé, dans la commune de Pontault-Combault. « Je suis tombé dans le piège », a résumé l’influenceur, qui dit avoir été drogué avec des médicaments et être resté enfermé 27 heures.
Dans sa plainte, consultée par l’AFP, il a déclaré que ses ravisseurs avaient « fait les surpris » en découvrant son identité, assurant qu’ils pensaient « qu’il avait détourné un camion de drogue ». Ils l’avaient ensuite libéré. « Vers 3 heures du matin, ils m’ont dit on va te libérer dans un lieu, tu vas tout droit, tu vas prendre le train et rentrer chez toi », a-t-il affirmé à France 2, décrivant cet enlèvement présumé comme une tentative d’intimidation de la part du régime algérien.
D’après la chaîne publique française, des analyses des téléphones des trois suspects mis en examen vendredi auraient mené les enquêteurs jusqu’à un consulat d’Algérie en France, où l’un des trois hommes travaillerait. Sa détention provisoire a d’ailleurs suscité l’indignation d’Alger, qui a « vivement protesté » samedi soir, la jugeant « inadmissible ».
Protestations sur « la forme » et sur « le fond »
Le ministère algérien des Affaires étrangères algérien a lui tonné samedi soir contre « ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable (qui) causera un grand dommage aux relations algéro-françaises ». Il s’est engagé à ne pas « laisser cette situation sans conséquences » et a « reçu » l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, pour « exprimer (s)a vive protestation ».
Auprès de l’ambassadeur français, Alger a protesté sur « la forme » et sur « le fond » de l’affaire, reprochant notamment l’absence de « notification par le canal diplomatique ». De plus, le ministère algérien des Affaires étrangères a dénoncé « l’argumentaire vermoulu et farfelu » du ministère de l’Intérieur français, fustigeant une « cabale judiciaire inadmissible » reposant « sur le seul fait que le téléphone mobile de l’agent consulaire inculpé aurait borné autour de l’adresse du domicile de l’énergumène » Amir Boukhors.
« Nous ne commentons pas une enquête en cours. L’autorité judiciaire, qui agit en toute indépendance, est seule compétente pour se prononcer », a réagi une source diplomatique française dimanche auprès de l’AFP.
De son côté, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a assuré sur Europe 1/CNews que les investigations avaient été menées « de manière extrêmement rigoureuse ». Les ministères français de la Justice et de l’Intérieur, sollicités par l’AFP, n’ont pas fait de commentaire.
A la suite des mises en examen des trois hommes, dont l’agent consulaire, l’avocat de l’infleunceur Me Eric Plouvier a parlé d’une « affaire d’Etat » et le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau a évoqué « peut-être » un « acte d’ingérence étrangère ».
Toutefois, une source proche du dossier en France a appelé samedi à la prudence sur ces trois mises en examen, redoutant que l’enquête ne débouche sur « un dossier vide », contre des suspects qui ne seraient que des fusibles.
Cette affaire intervient alors que la France a appelé à un geste de clémence pour faire libérer l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné en Algérie à 5 ans de prison notamment pour atteinte à l’intégrité du territoire.
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