20 March 2025 01:03

Bayrou ravive l’opposition des socialistes pourtant gages de sa survie politique

François Bayrou fragilisé ? Le Premier ministre, déjà bousculé par les désaccords à répétition de ses ministres, voit s’effilocher le conclave sur les retraites, ravivant l’opposition des socialistes sur lesquels il compte pour durer à Matignon.

Grand défenseur de la “démocratie sociale”, François Bayrou avait proposé aux partenaires sociaux de rediscuter “sans aucun totem” ni “tabou” de la réforme contestée des retraites, obtenant en contrepartie, avec plusieurs autres concessions à la clé, que les socialistes ne le censurent pas sur le budget.

Or il s’est depuis mêlé des discussions, réclamant un retour à l’équilibre, fermant la porte à la retraite à 62 ans, et provoquant le départ de plusieurs participants, dont la CGT mercredi soir. Si la CFDT entend rester à la table des négociations, elle considère que le Premier ministre a “rompu le contrat”, et va “s’affranchir” de la lettre de mission.

En parallèle, le ton est monté au sein de la gauche, qui accuse François Bayrou de “trahison”.

Le Premier ministre “commet une erreur” s’il pense que les socialistes ne peuvent plus le censurer, mais ceux-ci attendront de voir l’issue du conclave, a prévenu mardi le premier secrétaire du PS Olivier Faure. “Nous avons sanctuarisé le budget, nous n’avons pas sanctuarisé la place de François Bayrou”, a-t-il dit.

– “Sirènes” –

Le Premier ministre “a baladé les Français”, “la représentation nationale” et les partenaires sociaux, tonne Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste demandant que “l’abrogation” de la réforme soit examinée par les députés, alors que François Bayrou a promis de porter au Parlement tout accord, même partiel, des partenaires sociaux.

Signe que M. Bayrou évolue en terrain glissant, un sondage Elabe pour BFMTV indique mercredi que la moitié des personnes interrogées souhaitent voir le gouvernement renversé sur le sujet des retraites, en hausse de neuf points par rapport à janvier.

Les socialistes “se sont laissé rouler dans la farine”, a raillé Jean-Luc Mélenchon en marge d’une réunion publique à Brest. “Est-ce qu’il y a une seule personne qui croyait dans ce pays qu’un gouvernement de droite allait décider de ramener la retraite à 62 ans ?”, a ajouté le leader de La France insoumise (LFI), certain que les socialistes “vont finir par changer d’avis” et “renverser le gouvernement”.

Selon une source au groupe, les députés LFI ont contacté les groupes écologiste et communiste pour proposer une motion de censure spontanée contre François Bayrou. Une prise de contact que n’avaient confirmé ni les parlementaires écologistes ni les communistes mercredi soir, sollicités par l’AFP.

Les socialistes avaient de leur côté peu goûté la charge lancée contre eux par le Premier ministre lors de l’examen de leur propre motion de censure spontanée, contre sa sortie sur la “submersion migratoire”.

Patrick Kanner, chef de file des sénateurs PS, l’a accusé mercredi de dériver “vers l’extrême droite du centre” et de “céder aux sirènes” de ses ministres très droitiers Bruno Retailleau (Intérieur) et Gérald Darmanin (Justice).

Ces deux poids-lourds ont mis chacun leur démission dans la balance pour peser dans les arbitrages sur l’Algérie ou le voile islamique, sur fond de désaccords avec leurs collègues. Ce qui leur a valu mardi un rappel à l’ordre, M. Bayrou les appelant à la “solidarité”.

– “Lui tout seul” –

“On est dans un jeu de postures lié à la présidentielle”, et “aux jeux internes aux partis politiques”, analyse un conseiller ministériel, avec Bruno Retailleau en campagne pour la présidence des Républicains et Olivier Faure en préparation de son congrès.

Le Premier ministre veut aussi “rassurer sur sa droite”, selon la même source, après que le président d’Horizons Edouard Philippe a jugé “hors sol” le conclave sur les retraites dans le contexte international.

Mais sans le soutien des socialistes, et en l’absence de majorité, François Bayrou risque de se retrouver à la merci du Rassemblement national, comme son prédécesseur Michel Barnier.

“Nous verrons si nous votons une motion de censure si cela va dans l’intérêt des Français. Si nous héritons ensuite d’un Bayrou bis ou Bayrou fils, la censure n’aura pas d’intérêt”, a estimé mercredi Sébastien Chenu, vice-président du RN.

Un ancien député MoDem observe lui que si les socialistes “ne sont pas contents” de la manière dont évolue le conclave, “ils ne sont pas vindicatifs”. Il ne les voit donc pas censurer une nouvelle fois le gouvernement “au vu du contexte” géopolitique.

François Bayrou dit “ce que tout le monde pense tout bas”, décrypte un cacique du camp présidentiel pour qui “jamais personne n’a pensé qu’on puisse revenir aux 62 ans” compte tenu des déficits. “Quel est donc l’intérêt de censurer le gouvernement aujourd’hui ?” se demande-t-il.

are-sac/hr/dch

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