28 April 2025 00:27

ce que l’on sait des violences subies par la fille de François Bayrou

Bétharram: ce que l’on sait des violences subies par la fille de François Bayrou

Un nouveau témoignage qui pèse particulièrement lourd. Hélène Perlant, la fille du Premier ministre François Bayrou, confie avoir subi des violences lors d’un camp d’été dans les Pyrénées. Celui-ci était organisé par la même congrégation à laquelle l’établissement scolaire catholique de Bétharram appartient.

Cette institution au sud de Pau est visée par 200 plaintes pour violences et agressions sexuelles par des anciens élèves. Au-delà de l’ampleur des faits dénoncés, cette affaire a un retentissement national car plusieurs enfants de François Bayrou y ont été scolarisés. Le Premier ministre est accusé d’avoir menti sur sa connaissance de tels faits à l’époque.

Hélène Perlant, qui a accordé un entretien à Paris-Match ce mardi 22 avril et qui témoigne également dans l’ouvrage à paraître Le silence de Bétharram, co-écrit par Alain Esquerre, fondateur du collectif des victimes de Bétharram, et la journaliste Clémence Badault.

“Bétharram n’est pas un fait divers. C’est une chambre d’interrogation du déni de tous et de toutes. Du déni, pas du mensonge”, affirme Hélène Perlant.

• Des coups “sur tout le corps”

Hélène Perlant relate comment elle a été prise en grippe par le père Lartiguet, mort en 2000, et une religieuse lors de ce camp d’été dans les Pyrénées. “Ces deux-là m’avaient à l’œil! Elle avait quelque chose de sadique, de très malveillant, une vraie méchante, qui a voulu se venger. Lui m’avait déjà lancé: ‘Toi, la fille Bayrou, insolente comme ton père!'”, raconte-t-elle dans le livre d’Alain Esquerre.

Elle explique avoir été “rouée de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps” par le père Lartiguet alors qu’elle était âgée de 14 ans.

“Un soir, alors qu’on déballe nos sacs de couchage, Lartiguet me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos. Pour parler crûment, je me suis urinée dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet”, confie-t-elle à Paris Match.

“Lartiguet ne s’excuse pas, il n’est pas en colère, il n’est pas gêné, j’entends juste: ‘Elle s’arrêtera peut-être de sourire?'”, poursuit-elle.

Dans l’entretien de Paris-Match, on peut lire qu’au lendemain de cette agression, Hélène Perlant se rappelle être “pleine d’ecchymoses” et de souffrir d'”acouphènes sévères”.

“Je vais en balade avec les autres en jurant que je ne suis pas cassée, que je ne suis pas sa victime, et je me jure que je sourirai deux fois plus. Cette scène d’agression gratuite, encore aujourd’hui, je ne la supporte pas, je l’évacue”, relate-t-elle également.

• Une “pression psychologique” pour se taire

Hélène Perlant raconte également pourquoi elle n’a pas alerté la direction de l’établissement ou encore moins porter plainte. “J’ai verrouillé. Refoulé. Cette violence extrême devient un non-événement. Elle empêche de faire de cette scène une réalité. Mais j’y ai laissé beaucoup. Ma structure s’est effondrée pour sortir du déni”, déclare-t-elle.

Selon elle, “Bétharram était organisé comme une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants pour qu’ils se taisent”. Hélène Perlant pointe également le rôle de “la culpabilité” et affirme que les jeunes étaient “maintenus dans la honte”.

“Des élèves se persuadaient que chez eux on les accuserait de mentir, ou que leurs parents allaient se faire du souci”, affirme-t-elle, parlant d’un “régime de terreur” et estimant que “(son) insolence est l’unique motif de (son) tabassage”.

“Moi, côté cour, on me tabasse. Côté jardin, on dit: ‘Nous avons la fille Bayrou chez nous’. Ça rassure, ça valide le système”, ajoute-t-elle.

Et de conclure: “Les victimes de coups et d’agressions sexuelles n’ont pas parlé. Chacun a vécu son drame comme s’il était le seul à le subir. Moi-même, j’ai été dans le système et je n’ai pas vu”.

• Des violences “devant des dizaines de personnes”

Dans le livre “Le silence de Bétharram” que BFMTV a pu consulter, Hélène Perlant raconte également avoir été témoin d’une scène de violence dans le lycée d’un camarade par un surveillant.

“Comment ça commence? Elle ne saurait le dire. Il n’y a pas de mots échangés, pas d’altercation. La raison s’absente de la pièce quand le surveillant saisit la tête du camarade à ses côtés et la frappe à plusieurs reprises. Les coups font un bruit mat. Ça cogne dans le silence”, peut-on ainsi lire dans le livre, qui parle d’un “calque de son tabassage à elle”.

“Mais cette fois, elle est de l’autre côté”, écrit Alain Esquerre qui a recueilli son témoignage.

“Dans sa plainte, le camarade dit qu’il a vu dans les yeux d’Hélène ‘un regard d’effroi’. Il ne pouvait pas savoir, le pauvre, que cet effroi, c’était le sien à elle, que c’était son agression qu’elle revivait sous ses yeux à lui. Et qu’ils ne risquaient pas de parler, non, même pas entre eux, surtout pas entre eux”, raconte l’auteur.

Hélène se souvient ainsi que ces passages à tabac “ne sont jamais produits dans un discret coin de couloir, mais devant des dizaines de personnes à chaque fois”. “Intuitivement, ils ont trouvé le paradoxe le plus pervers: plus il y a de témoins, moins ça parle”, relate-t-elle.

• Hélène Perlant n’avait pas prévenu son père

À l’aune de ce témoignage, une question se pose: que savait François Bayrou de ces violences au sein de l’établissement de sa propre fille? Hélène Perlant assure n’en avoir jamais parlé à son père ou à un membre de sa famille. “Je suis restée trente ans dans le silence”, affirme-t-elle.

“Mon père, j’ai peut-être voulu le protéger, inconsciemment, je pense, des coups politiques qu’il se prenait localement”, complète-t-elle.

“Évidemment, on peut penser qu’il a eu toutes les infos. Mais lui, comme les autres parents, était très, très intriqué politiquement, localement. Lui davantage. Mais je le mets au même niveau que tous les parents. Plus on est intriqué, moins on voit, moins on comprend”, explique aussi Hélène Perlant à Paris-Match.

Selon l’ancienne élève de Bétharram, les parents d’élèves étaient dans le déni. “Sinon, ça voudrait dire qu’ils admettent avoir confié leurs enfants à des éducateurs violents et à des violeurs”, souligne-t-elle. Hélène Perlant pointe également “le poids de la religion”. “Reconnaître que ce sont des prédateurs qui cognent et qui violent? Leur monde s’effondrerait. Plutôt mourir”, conclut-elle.

François Bayrou reste visé par une plainte pour non-dénonciation de crime et délit et va devoir répondre sous serment face au député le 14 mai prochain. Il sera auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale dédiée aux violences à l’école, née dans le sillon de cette affaire.

• François Bayrou a “appris tout ça hier”

De son côté, François Bayrou a été “stupéfait et bouleversé”, selon son entourage à BFMTV, par le témoignage de sa fille. “On savait que sa fille avait participé à ce livre. Mais jamais elle ne lui a dit qu’elle avait été victime de violences. Il a appris tout ça hier”, assure l’entourage du Premier ministre

Concernant la future audition à l’Assemblée nationale, son entourage estime qu'”ils chassent le Bayrou et ne sont pas à la hauteur des enjeux, ils veulent se le faire. Lui n’a rien caché”.

“Le 14 mai, on l’attend et on le souhaite. Le plus important, c’est que cette commission d’enquête s’ouvre, pour les victimes, et que la honte change de côté”, ajoute Matignon.

• 200 plaintes ont été déposées

Auprès d’Alain Esquerre, Hélène Perlant dit avoir besoin “de participer à lever ce que Bétharram permet de comprendre de ce qui est enfoui dans les fondations de la société, d’aller regarder de près les structures qui ont abrité pendant des générations le viol des enfants”.

Au total, quelque 200 plaintes ont d’ores et déjà été déposées par d’anciens élèves de l’établissement, mais seules deux ne tombent pas sous le coup de la prescription. Selon Alain Esquerre, 90 plaintes portent sur des faits à caractère sexuel. Selon une information de BFMTV, 14 prêtres sont visés dans ces nouvelles plaintes, mais aussi quatre laïcs dont trois surveillants.

Un ancien surveillant de l’établissement a été mis en examen pour “agression sexuelle sur mineur de quinze ans en 2004” et “viol sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité commis entre 1991 et 1994”.

Article original publié sur BFMTV.com

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