9 March 2025 23:12

décès d’Athol Fugard, dramaturge briseur de tabous

Le dramaturge sud-africain Athol Fugard, dont l’essentiel de l’oeuvre a été écrite sous l’apartheid et qui avait défié les tabous racistes de ce régime, en faisant jouer Blancs et Noirs ensemble sur scène dès les années 1960, est décédé samedi à l’âge de 92 ans, a annoncé dimanche la ville du Cap.

La mairie a présenté dans un communiqué ses condoléances à “tous ceux qui ont été touchés par son art”, après le décès de ce géant du théâtre sud-africain “réputé pour son opposition inébranlable à l’apartheid”. Auteur de plus de 30 pièces, il a aussi été comédien et metteur en scène.

Le comédien noir John Kani, voix rocailleuse familière des dernières superproductions Marvel ou Disney, s’est dit sur X “profondément attristé” par le décès de son ami Athol Fugard, auquel il s’était associé jeune.

Ensemble, ils ont choisi de ne tenir aucun compte des lois ségrégationnistes, se rencontrant en secret et organisant des répétitions dans des salles de classe ou des garages, pour éviter le harcèlement de la police.

“Son travail a permis de montrer l’inhumanité, l’injustice et la bêtise aveugle du système aux yeux du monde entier” écrivait en 2012 le quotidien britannique The Guardian à propos de cet “Afrikaner courageux, inflexible et obstiné”.

Le dramaturge à la barbe blanche et aux sourcils broussailleux avait connu un regain de notoriété en 2006 quand le film “Mon nom est Tsotsi” (de Gavin Hood), inspiré d’une de ses nouvelles écrite en 1961, a remporté l’Oscar du meilleur film étranger, une première pour une production sud-africaine.

Né le 11 juin 1932 dans la petite ville de Middelburg (sud-est), il grandit pendant que s’institutionnalise la ségrégation raciale qui prive les Sud-Africains noirs de nombreux droits.

– Montrer la ségrégation –

Sa première pièce majeure, “The Blood Knot” (Le lien du sang), est présentée pour la première fois en 1961. Elle raconte l’histoire de deux demi-frères, l’un joué par un Blanc –Fugard lui-même-, l’autre par un Noir, ensemble sur scène face à un public multiracial.

C’est une première sous l’apartheid. La loi interdira ensuite les troupes et publics mixtes dans les théâtres sud-africains.

Résistant aux injonctions officielles, Fugard travaille avec le groupe d’acteurs noirs Serpent Players, dont John Kani, pour mettre en scène la réalité sud-africaine.

Présentée en 1969, “Boesman and Lena” figure parmi ses pièces les plus connues et raconte la vie difficile d’un couple noir. Elle sera adaptée au cinéma en 2000 par John Berry avec Danny Glover et Angela Bassett.

Semi-autobiographique, “+Master Harold+ … and the Boys”, qui se déroule en 1950, traite des préjugés à travers une rencontre entre un adolescent blanc et deux hommes noirs travaillant pour sa famille.

Le thème de la résistance est récurrent dans ses pièces les plus célèbres, notamment “Sizwe Banzi is dead” et “The island”, co-écrites avec John Kani et le dramaturge sud-africain Winston Ntshona.

“L’apartheid m’a défini, c’est vrai.. Mais je suis fier du travail qui en est ressorti, qui porte mon nom”, déclarait Athol Fugard à l’AFP en 1995, un an après les premières élections multiraciales en Afrique du Sud.

Depuis, il n’a cessé de travailler sur l’héritage de l’apartheid dans la nouvelle Afrique du Sud.

Athol Fugard, qui a été marié deux fois, a reçu de nombreux prix parmi lesquels en 2011 un Tony Award pour l’ensemble de sa carrière.

bur-br-ger/emp

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