9 March 2025 19:30

En Polynésie, le Heiva Taure’a, un concours culturel pour améliorer les résultats des collégiens

“Maintenir le feu sacré”: c’est ce que dix collèges polynésiens ont tenté de faire cette semaine à Papeete en participant à la 8e édition du Heiva Taure’a, un concours culturel visant à mobiliser les élèves autour d’un projet artistique.

Le grand prix a été attribué au collège tahitien Maco Tevane, sous les acclamations de près de 4.000 spectateurs sur la prestigieuse place To’ata, la plus grande scène de Tahiti.

Chaque établissement avait mobilisé jusqu’à 80 élèves pendant plus de six mois autour d’un spectacle de danse, de chants et de percussions polynésiennes. Le raffinement des costumes et les compétences oratoires en langues régionales ont également été jugés.

“Quand on est né ici, c’est notre devoir de préserver notre langue et de la transmettre”, a expliqué à l’AFP Moenoa Mou-Sing, vainqueur du grand prix avec son collège, mais aussi du prix du meilleur orateur en tahitien.

Au premier rang des spectateurs, le président polynésien Moetai Brotherson. Le dirigeant croit aux vertus de ce projet pédagogique : “Maintenir le feu sacré de notre culture chez nos jeunes, tisser le lien entre culture ancestrale et moderne, leur inoculer le virus du chant et de la danse pour leur éviter d’autres loisirs moins positifs”, énumère-t-il.

Quelques jours plus tôt, il annonçait un plan anti-drogue. La Polynésie est également très touchée par l’abus d’alcool. Tout ce qui peut éloigner la jeunesse de ces addictions est donc bienvenu, selon lui.

– Absentéisme –

Le Heiva Taure’a permet également de lutter contre l’échec scolaire.

“Sur notre atoll, l’absentéisme est un fléau et ce projet a ramené des élèves au collège”, constate Pita Rataro, enseignant en éducation musicale au collège de Rangiroa.

“J’étais vraiment en difficulté, mes notes étaient mauvaises, je n’allais pas toujours en cours, mais grâce au Heiva Taure’a, je suis de plus en plus moi-même, j’ai confiance en moi et je vais à tous les cours”, assure Vaiana Mae, vêtue d’un flamboyant costume rouge et d’une coiffe ornée de nacres.

A 14 ans, cette élève de SEGPA a été choisie pour être la danseuse soliste du collège Maco Tevane, l’établissement vainqueur cette année.

“C’est même elle qui a été à l’initiative de tous les costumes de ce soir”, s’enthousiasme Francesca Bryant, enseignante spécialisée en SEGPA. “Ca m’a donné de la force et ça m’a réconciliée avec le collège”, sourit l’élève.

Le succès du Heiva Taure’a pourrait même s’exporter dans les régions françaises à forte identité culturelle, comme l’Alsace, la Bretagne ou le Pays basque… Les organisateurs polynésiens se félicitent d’avoir déjà été approchés et d’inspirer d’autres régions dans l’Hexagone.

“Ce serait une bonne idée que chaque région ancre ses élèves dans son identité culturelle pour leur réussite scolaire”, approuve Matani Kainuku, chorégraphe de danse tahitienne et membre du jury du Heiva Taure’a.

Les collèges choisissent le plus souvent de créer un spectacle autour d’un thème pédagogique ou une légende polynésienne.

Mais cette année, deux d’entre eux ont produit une oeuvre engagée contre les essais nucléaires, qui ont marqué l’histoire de cette collectivité ultra-marine entre 1966 et 1996.

Un élève a ainsi pu incarner le général De Gaulle distribuant nourriture et argent aux Polynésiens pour faire accepter le Centre d’expérimentation du Pacifique. Une scène très applaudie par le public.

Quatre collèges venaient d’autres îles que celle de Tahiti. Pour certains adolescents, c’était même le premier voyage en avion. “Ils sont fascinés par les montagnes et toutes les maisons”, s’amuse Monoihere Harua, une enseignante de Makemo, un atoll de quelque 800 habitants culminant à trois mètres au-dessus du niveau de la mer dans l’archipel des Tuamotu.

A Papeete, la même scène accueillera en juillet le Heiva I Tahiti, le plus grand événement culturel de l’année, pour les adultes cette fois.

ml/cal/hj

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