19 March 2025 16:04

Entre jazz et folk, Gabi Hartmann livre un conte initiatique salé

Avec sa voix de velours, Gabi Hartmann entraîne les oreilles curieuses sur les traces de Salinda, héroïne fictive de son deuxième album entre jazz et folk à paraître vendredi, aux airs de conte initiatique et mélancolique.

Il était une fois Gabi Hartmann, autrice-compositrice, guitariste et chanteuse qui aimait les histoires. “Les mondes oniriques, merveilleux, j’adore”, confie-t-elle à l’AFP.

Plongée dans celles qu’elle lit à sa jeune nièce ou dans ses lectures surréalistes, la musicienne livre à son tour “La femme aux yeux de sel”, opus de 14 titres scindé en trois chapitres.

Le format s’inscrit dans le sillage des albums-concepts, où l’ensemble des pistes est lié par une même trame narrative. L’un des tout premiers du genre revient à Frank Sinatra: le crooner passé par le jazz s’était démarqué en 1955 avec “In the wee small hours”.

Salinda, héroïne de Gabi sur une île imaginaire, est atteinte d’une curieuse malédiction. “Elle pleure souvent. Et dès qu’elle se met à pleurer, elle perd un petit peu de ses yeux parce que ses yeux sont faits de sel. Du coup, elle voyage pour essayer de trouver un remède”, narre sa créatrice.

“Elle part sur son bateau. Elle va sur des terres différentes, elle essaie de rencontrer des gens, de trouver un moyen d’apprendre à pleurer” sans se déliter, poursuit-elle.

Cette quête, tout comme la mélancolie qui nimbe certaines chansons, tranche avec les premières notes de l’opus, ambiance tropicale au son des vagues.

– Influences croisées –

Gabi Hartmann s’éloigne du rivage de son premier album éponyme sorti en 2023, qui a généré plus de 20 millions d’écoutes et s’est écoulé à plus de 15.000 exemplaires, lui permettant de jouer dans des festivals renommés (Montréal, Vienne) et d’être récompensée au Japon, terre jazzophile.

Influencée par ses pairs autant que par ses voyages, la musicienne de 33 ans a appris à “créer une œuvre” à New York. Elle a pour cela pu compter sur Jesse Harris, producteur de grandes voix américaines comme Norah Jones, Madeleine Peyroux ou Melody Gardot, dont elle a assuré la première partie à l’Olympia.

Harris l’accompagne de nouveau sur ce disque, qui compte parmi ses collaborations la flûtiste Naïssam Jalal et le saxophoniste Laurent Bardainne. Et avec “Sikolaiko”, la chanteuse choisit de reprendre une musique traditionnelle guinéenne, en hommage à ce pays découvert avec son fidèle guitariste.

Entre son timbre chaud et des chœurs féminins qui lui font écho, les voix de femmes irriguent aussi l’album. “Ça me plaît d’utiliser ça comme instrument” participant à l’arrangement d’un morceau, explique la multilingue Gabi Hartmann, qui y voit “une matière sonore très inspirante”.

Porter loin la sienne n’est pas aisé dans le jazz, un genre musical constellé de figures tutélaires masculines. “Il y a vraiment plein de courants dans le jazz, mais je dirais que c’est un milieu assez masculin, et ceux qui ont les clés du pouvoir, c’est quand même des hommes”, note l’artiste, s’estimant elle-même “un peu coincée” dans un mélange de genres.

“Mais c’est en train de bouger. Il y a quand même de plus en plus d’instrumentistes femmes qui sont mises en avant, qui sont excellentes et qui reçoivent des prix”, observe-t-elle aussi.

Qu’importe pour la Parisienne globe-trotteuse: elle poursuit sa route et les concerts, avec sa formation composée d’un bassiste, d’un batteur et d’une violoncelliste.

Ancienne étudiante en sciences politiques, en philosophie et en ethnomusicologie, cette artiste engagée pour un meilleur accueil des réfugiés – elle s’est rendue à la “jungle” de Calais et a travaillé avec des musiciens exilés – conserve sa boussole.

“C’est important de refléter dans ma musique le temps dans lequel je vis et ce qui me révolte”, glisse Gabi Hartmann. Comme dans “Le lever du soleil”, une fausse ballade qui dit en réalité son “angoisse face à la montée de l’extrême droite”.

fan/may/cbn

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