Hélène Perlant raconte le “silence de l’intérieur” à Bétharram

“Je voulais me faire recenser comme victime, dire ‘j’en suis de Bétharram’, je vais pouvoir parler avec eux, victime quelconque, parmi d’autres et fille du Premier ministre.” Hélène Perlant, 53 ans, est l’une des victimes des violences commises des années 1950 à 2010 au sein de Notre-Dame de Bétharram, un établissement catholique dans les Pyrénées-Orientales.
Elle témoigne dans le livre Le silence de Bétharram paru ce jeudi 24 avril aux éditions Michel Lafon, co-écrit par Alain Esquerre – porte-parole de l’association des victimes de Notre-Dame de Bétharram – et Clémence Badault.
Invitée sur France Inter avec Alain Esquerre ce jeudi, la fille du Premier ministre est revenue sur l’épisode de violences particulièrement traumatisant dont elle a été victime, il y a près de 40 ans. À ce moment-là , elle était âgée de 14 ans et se trouvait en camp scout. C’est lors de ce séjour qu’elle a été passée à tabac par le père Lartiguet (mort en 2000).
“Je n’ai rien dit à personne”
“Mon souvenir le plus frappant, ce sont les regards. Ce que j’appelle ces regards épinglés au mur comme des papillons morts. Ces regards vides de 40 personnes adultes, certains élus locaux et d’enfants […] ce qui est horrible c’est cette agression faite au corps, qui vous prend dans votre dignité, qui vous laisse dans une humiliation”, explique-t-elle au micro de France Inter.
Elle n’avait jamais parlé de ce terrible épisode avant le livre. “Je n’ai rien dit à personne, même pas à moi-même. Je sais que j’ai été agressée, je me suis demandé pendant plusieurs années, sans culpabilité, ‘pourquoi je n’ai pas quitté ce groupe?’, ‘pourquoi je n’ai pas porté plainte’. Il a fallu tout le livre d’Alain pour que je comprenne comment ça fonctionnait ce silence.”
Dans cet entretien, Hélène Perlant est aussi revenue sur un passage à tabac dont elle a été témoin. Une plainte pour “non-dénonciation de crime et délit” a été déposée en février contre son père, que le plaignant estimait “forcément” mis au courant de l’épisode par sa fille. Un “souvenir” qu’elle “avait oublié” et qui est remonté après cette plainte. “Dès que les coups ont commencé, j’ai été renvoyée à ma propre scène. C’est mon effroi que cet homme a vu dans mes yeux.”
“100% des enfants de députés à Bétharram ont été tabassés ou violés”
Elle insiste sur le fait que son père, comme les autres parents d’élèves, n’étaient pas au courant des violences subies par les enfants, “un silence de l’intérieur”, selon elle. “Plus il y a de témoins, moins ça parle et plus on est intriqués, moins on voit.” Ça fonctionne comme ça, en fait: on a tout sous les yeux (…) sauf qu’on l’a tellement sous les yeux qu’on ne voit rien”. Selon Hélène Perlant, les parents ne pouvaient pas comprendre ce qu’il se passait.
Hélène Perlant insiste sur le fait que tous les élèves étaient des cibles potentielles. “Elle casse cette légende urbaine de croire qu’à Bétharram, parce qu’on était fille ou fils de, on était protégés”, explique Alain Escarre qui évoque aussi le témoignage de Loïc, “fils de notable et qui va se faire attoucher pendant plus d’un an et demi”. Il précise: “Moi-même je le croyais intouchable.”
Hélène Perlant abonde en ce sens. “Dans ma promo, nous étions deux enfants de députés et j’ai l’autorisation de dire que 100 % des enfants de députés à Bétharram ont été tabassés ou violés et n’ont pas parlé.”
“Tous des victimes à égalité”
Elle ajoute: “Nous, nous avons cru que les autres toléraient notre passage à tabac parce qu’on était les notables qu’il fallait se faire, eux ont crû qu’on consentait à leurs passages à tabac et leurs viols parce qu’ils ne comptaient pour rien dans la société, j’ai envie de leur dire: on est tous victimes à égalité.”
À ce jour, dans ce dossier, plus de 200 plaintes ont déjà été déposées par des victimes. Elles visent des prêtres, mais également des surveillants et certains élèves. Un ancien surveillant de l’établissement a d’ailleurs été mis en examen pour “agression sexuelle sur mineur de quinze ans en 2004” et “viol sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité commis entre 1991 et 1994”.
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