8 March 2025 21:51

Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé dépense 35 000 dollars par mois en lobbying auprès de Washington, selon le Miami Herald.

Selon le Miami Herald, un membre influent de la récente campagne du président Donald Trump a été recruté par le gouvernement haïtien pour renforcer ses liens avec la Maison-Blanche.

Dans un article publié le 5 mars 2025, le journal floridien Miami Herald révèle que Carlos Trujillo, ancien membre républicain du Congrès de Floride et ex-ambassadeur des États-Unis auprès de l’Organisation des États américains sous l’administration Trump, a déposé auprès du ministère de la Justice des documents attestant que son cabinet, Continental Strategy, a signé un contrat d’un an avec le gouvernement de transition haïtien. Ce contrat, d’un montant de 35 000 dollars par mois, vise à assurer du lobbying en faveur d’Haïti.

D’après les documents, la société s’engage à représenter Haïti dans un programme global visant à soutenir la reconstruction du pays, améliorer sa visibilité aux États-Unis, encourager le commerce et les investissements américains, ainsi qu’à renforcer le secteur financier et d’autres domaines clés. Le contrat prévoit aussi des activités de lobbying, la préparation de documents d’information et des interactions avec les décideurs politiques américains.

Signé par le Premier ministre Alix-Dider Fils-Aimé le 7 février et déposé par Trujillo le 24 février, ce contrat a coïncidé avec le vote d’Haïti aux Nations Unies contre une résolution européenne condamnant la Russie pour son rôle dans la guerre en Ukraine, un positionnement aligné avec les États-Unis et la Russie.

Cette démarche suscite des réactions au sein de la classe politique et de la société civile haïtienne. Sauveur Pierre Étienne, ancien candidat à la présidence et coordonnateur du parti Organisation du peuple en lutte, estime que l’embauche de lobbyistes peut être pertinente, mais critique le manque de clarté du gouvernement sur ses attentes. Il insiste sur l’importance d’utiliser ce lobbying pour lever l’embargo sur les armes destiné aux forces de sécurité haïtiennes et obtenir un soutien américain dans la formation des forces de l’ordre.

Julio Volcy, pasteur et membre de la société civile, partage cette opinion, tout en remettant en question la légitimité du gouvernement de transition pour signer un tel contrat. Il estime que cet accord devrait être réexaminé, car il ne semble pas apporter d’améliorations concrètes pour les Haïtiens, ni dans le pays ni à l’étranger. Selon lui, les autorités actuelles poursuivent davantage des objectifs politiques personnels que le bien-être du peuple haïtien.

Le bureau du Premier ministre n’a pas répondu aux sollicitations du Miami Herald pour préciser les objectifs de ce lobbying. Toutefois, une source proche du dossier affirme que Trujillo travaillera directement avec Fils-Aimé et que l’objectif principal est de convaincre le gouvernement américain de renouer le dialogue avec Haïti pour créer un climat sécuritaire favorable aux élections.

Pendant ce temps, la situation sécuritaire en Haïti demeure préoccupante, avec des gangs toujours actifs dans la capitale. La transition politique, mise en place après la démission de l’ancien Premier ministre sous la pression des gangs, fête son premier anniversaire, mais peine à stabiliser le pays.

Par ailleurs, Trujillo a également enregistré sa société comme lobbyiste pour le Guyana le 24 février. Ce pays sud-américain, riche en pétrole et membre de la CARICOM, fait face à un conflit territorial avec le Venezuela et a récemment sollicité le soutien de ses alliés, dont les États-Unis. Le contrat signé avec le ministère des Affaires étrangères du Guyana s’élève à 50 000 dollars par mois pour une durée de six mois.

Contrairement au Guyana, qui a précisé ses attentes envers ses lobbyistes, le gouvernement haïtien reste flou quant aux objectifs poursuivis avec Continental Strategy. Ni le bureau du Premier ministre ni le Conseil présidentiel de transition n’ont communiqué sur ce contrat, alors que la nouvelle administration Trump réduit l’aide étrangère, menace d’expulsions massives et n’offre aucune garantie quant à la poursuite du financement américain pour la mission de sécurité menée par le Kenya en Haïti, qui devra être renouvelée en septembre.