Le Vatican savait pour l’abbé Pierre depuis bien plus longtemps que ce que pensait le pape

VIOLENCES SEXUELLES – Une nouvelle déflagration dans le dossier l’abbé Pierre. D’après un livre enquête, qui paraît jeudi 17 avril, le Vatican était au courant dès 1955 des agissements du fondateur d’Emmaüs, visé par plusieurs accusations d’agressions sexuelles.
L’ouvrage, rédigé par les journalistes Marie-France Etchegoin et Laetitia Cherel et intitulé « L’Abbé Pierre, la fabrique d’un saint » (Allary Éditions), se base sur des archives du Saint-Siège. « Dès l’automne 1955, non seulement le haut clergé français connaissait la face noire et la dangerosité de l’abbé Pierre mais le Saint-Siège aussi », affirment les autrices.
Ces révélations font écho à des propos tenus par le pape François en septembre dernier. Le souverain pontife avait assuré que le Vatican était au courant, au moins depuis sa mort en 2007, des accusations de violences sexuelles. « Je ne sais pas quand le Vatican l’a appris. Je ne sais pas. Mais, certainement, après la mort [l’abbé Pierre]. Mais avant, je ne sais pas », avait-il déclaré.
Dans leur livre, les deux journalistes rapportent une « “procédure judiciaire”, entamée par l’organe de la curie romaine chargé de contrôler les mœurs et la foi des membres de l’Église, le Saint-Office », qui a été « freinée par les évêques en France, vite refermée et enterrée deux ans plus tard, en 1957 ».
« Des choses immorales »
S’appuyant sur les archives du Dicastère pour la Doctrine de la foi, consultées par les autrices en mars 2025, le livre mentionne notamment le compte rendu d’une réunion plénière de la Suprême congrégation du Saint-Office sur le cas de l’abbé Pierre du 18 mars 1957. Ce « document de dix pages dresse la chronologie des agissements sexuels de l’abbé Pierre de 1955 à 1957, détaille les courriers d’alerte des cardinaux américain et canadien en 1955, et les décisions du Saint-Office », précisent les autrices.
Le compte rendu de la réunion plénière rapporte que Mgr Paul-Émile Léger, l’archevêque de Montréal, ville où l’abbé Pierre s’est rendu en mai 1955, a eu connaissance des « accusations d’immoralité » à l’encontre du prêtre.
Le document relate également une demande formulée le 8 septembre 1955 par le Saint-Office au Nonce apostolique (ambassadeur du Saint-Siège, ndlr) alors en poste en France, Paolo Marella, « de suivre de près le cas de l’abbé Pierre ».
Un clerc aurait en outre « écrit le 25 octobre 1955 au Saint-Office pour dire » qu’il savait que « des “choses immorales” » avaient été commises par l’abbé Pierre aux États-Unis, précisent les deux journalistes.
Entre 1950 et 2000
Figure iconique en France et fondateur d’Emmaüs, l’abbé Pierre est depuis juillet 2024 visé par une série d’accusations de violences sexuelles commises entre les années 1950 et 2000.
En France, les archives de l’Église, ouvertes de façon anticipée devant l’émotion provoquée par les révélations d’agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre, ont déjà permis de dévoiler comment, à la fin des années 1950, la hiérarchie épiscopale avait gardé le silence sur un comportement jugé « problématique » mais jamais nommé.
La Conférence des évêques de France avait de son côté formé le vœu que « le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su ».
Le livre enquête revient également sur des propos tenus par l’abbé Pierre sur les Juifs le 21 juillet 1944, évoquant « des familles contraintes à l’oisiveté (sans qu’il soit de leur faute, certes) mais regorgeant d’or avec quoi elles raflaient avec une impitoyable dureté tout ».
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