1 April 2025 16:36

Marine Le Pen inéligible? Le parti entre déni et angoisse avant la décision de justice

Très à l’aise. Depuis des semaines, Marine Le Pen et ses troupes veillent à afficher sa magnanimité face au verdict des juges qui l’attend ce lundi. La décision des magistrats pourrait pourtant très largement amputer son avenir politique, notamment sa participation à la présidentielle de 2027.

“Nous sommes d’une neutralité helvétique et nous patientions tous calmement”, assure ainsi le député RN Julien Odoul auprès de BFMTV.com.

Plus de candidature à la présidentielle possible

“Je lis ici et là que nous serions fébriles. Personnellement, je ne le suis pas, mais je comprends qu’on puisse l’être (…) les juges ont un droit de vie ou de mort sur notre mouvement”, a commenté la cheffe de file du Rassemblement national hier dans La Tribune Dimanche. Mais “je ne crois pas qu’ils iront jusque-là”, s’est-elle empressée d’ajouter.

“Je suis zen, je dors très bien. Vous y pensez plus que moi”, confie-t-elle encore en privé.

Marine Le Pen a pourtant de quoi s’inquiéter. Le parquet a requis à son encontre cinq ans de prison dont deux fermes, et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire en novembre dernier le cadre de l’affaire des emplois fictifs des assistants parlementaires au Parlement européen.

L’exécution provisoire signifie que si cette peine d’inéligibilité était prononcée par les juges lors du verdict, elle s’appliquerait immédiatement, même en cas d’appel.

Très concrètement, cela voudrait dire qu’elle resterait députée mais ne pourrait pas se présenter devant le suffrage universel pendant les 5 prochaines années. Impossible donc de candidater pour redevenir parlementaire en cas de nouvelle dissolution ou se présenter à la présidentielle de 2027.

“Estomaqué par la violence du truc”

Autant dire un vrai coup de tonnerre politique pour celle qui se voit en capacité de rentrer à l’Élysée dans deux ans. Si le RN affiche désormais officiellement son calme, l’atmosphère était bien différente au lendemain des réquisitions du parquet.

L’ex-candidate à la présidentielle n’avait d’ailleurs pas fait semblant. “Ce réquisitoire est révoltant. Il est profondément outrancier. Il réclame des condamnations qui sont sans commune mesure, allant jusqu’à demander la peine de mort politique contre moi”, avait-elle attaqué sur TF1.

Dans la foulée, son parti avait lancé une pétition en ligne. “Défendez la démocratie, soutenez Marine”, pouvait-on y lire.

“On a été estomaqué par la violence du truc à l’époque et on ne pouvait pas se taire. Avec le recul, je pense que c’est impossible que les juges acceptent de priver les Français de Marine Le Pen pour la présidentielle”, veut croire un député RN.

“Une petite inquiétude”

Peut-être bien mais la consigne a été malgré tout passée aux élus du parti à la flamme de faire profil bas jusqu’au verdict.

“On a tous envie de faire confiance à la justice mais bien sûr qu’il y a une petite inquiétude. Ce serait inimaginable qu’on empêche Marine Le Pen de se présenter en 2007”, concède ainsi le député RN José Gonzales, l’un des rares du parti à reconnaître un climat d’angoisse.

Les peines d’inéligibilité immédiate ne sont pourtant pas si rares. L’ancien maire de Toulon Hubert Falco a ainsi été condamné en appel à une peine de 5 ans d’inéligibilité en mars dernier avec application immédiate dans une affaire de détournement de fonds publics. Même topo pour l’ancien chef de cabinet du maire de Strasbourg Joël Munsch condamné à 3 ans d’inéligibilité à la même époque.

Des manifestations envisagées

Pour conjurer le sort, plusieurs élus évoquent les différentes possibilités sur la table qui permettraient à Marine Le Pen de ne pas sortir abîmée du procès. Une peine d’inéligibilité qui ne s’appliquerait pas immédiatement et qui serait suspendue le temps de faire appel pourrait être une première porte de sortie. Une seconde piste pourrait être une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate mais d’une durée qui n’empiéterait pas sur la présidentielle de 2027.

“Le gouvernement des juges”

Mais dans le cas où la présidente des députés RN serait bien condamnée à de l’inéligibilité immédiate, la question de la réaction du parti se poserait immédiatement. “Il faudrait qu’on agisse bien sûr mais sous quel format? Je n’en sais rien”, reconnaît un collaborateur parlementaire. Une nouvelle pétition? Une manifestation? “Tout sera sur la table je pense”.

L’arbitrage sera particulièrement délicat dans un parti qui n’a jamais eu la tradition de battre le pavé à l’exception de la Manif pour tous en 2013. La manœuvre sera d’autant plus sensible que Marine Le Pen accuse régulièrement la justice de laxisme.

“On a l’angle du gouvernement des juges quand même. On pourrait dire qu’on est faible avec les délinquants et profondément injuste avec nous. Ça, ça peut parler”, espère un député. La ligne sera fixée lundi soir si besoin lors d’un bureau politique au siège du parti.

Article original publié sur BFMTV.com

Author