Trump a-t-il manipulé la bourse en suspendant ses droits de douane ? Ce message cristallise toutes les accusations

ÉTATS-UNIS – « La plus grande manipulation de marché au monde. » Les bourses mondiales sont – à l’exception de Wall Street ce jeudi soir – en pleine euphorie après le revirement surprise de Donald Trump sur les droits de douane, qui a fait repartir les marchés à la hausse après plusieurs jours de dévissage. Mais ce renversement n’a pas fait sourire les démocrates, qui estiment que le rétropédalage inattendu du président américain survenu le mercredi 9 avril constitue une manipulation financière, comme on vous le raconte dans la vidéo en tête d’article.
Au cœur des critiques : un message publié par Donald Trump sur son réseau TruthSocial quelques heures avant l’annonce d’une « pause de 90 jours » dans l’application des surtaxes douanières. « C’EST LE MOMENT D’ACHETER », a-t-il affirmé à ses followers, alors que les actions étaient au plus bas. Ceux qui l’ont écouté ont pu réaliser d’importants bénéfices : le prix d’un certain nombre d’actifs a explosé plus tard dans la journée, quand le président américain a provoqué un rebond boursier historique en annonçant (là aussi sur TruthSocial) la suspension des droits de douane.
Cet encouragement à acheter juste avant que des indices clefs comme le Dow Jones (+ 7,87 %) ou le Nasdaq (+ 12,16 %) ne connaissent des hausses records est pointé du doigt par les démocrates, qui accusent Donald Trump de délit d’initié. Cette infraction financière grave désigne le fait d’utiliser une information qui n’est pas connue de tous pour acheter ou vendre des actions au moment opportun.
Un conseil qui pouvait rapporter des sommes folles
De fait, quiconque a suivi les indications de Donald Trump a pu gagner beaucoup d’argent en très peu de temps et le locataire de la Maison Blanche ne s’en cache pas. Dans une vidéo publiée sur X par une de ses conseillères en communication, le président américain présente le milliardaire et gestionnaire d’actifs Charles Schwab en assurant qu’« il a gagné 2,5 milliards » de dollars sur la seule journée du 9 avril.
« Si un ami de Donald Trump a investi un million de dollars dans le Nasdaq, il a fait 120 000 dollars » de bénéfices en une seule journée, a pour sa part estimé un journaliste de la chaîne québécoise LCN. « On est peut-être devant le plus grand conflit d’intérêts, le plus grand délit d’initié de l’histoire », a-t-il estimé.
C’est en tout cas l’hypothèse privilégiée par les démocrates qui ont multiplié les attaques sur les réseaux sociaux. En première ligne : le sénateur de Californie Adam Schiff qui a rapidement appelé à l’ouverture d’une enquête parlementaire, dans une vidéo publiée sur X dans la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 avril. « Les proches de Donald Trump profitent-ils illégalement de ces énormes fluctuations du marché boursier par le biais de délits d’initiés ? Le Congrès doit savoir », a-t-il écrit.
« Si ce n’est pas de la manipulation qu’est-ce que c’est ? »
Une autre des attaques contre Donald Trump est venue de la très médiatique Alexandria Ocasio-Cortez (AOC). « Je ne pense pas […] qu’il ait dit par hasard d’acheter des actions et que, peu de temps après, il ait fait une annonce qui a considérablement augmenté le prix de beaucoup d’actifs », a déclaré l’élue new-yorkaise au micro de la chaîne New York One. « J’ai entendu des rumeurs dans l’hémicycle comme quoi certains savaient » que Donald Trump reculerait sur les droits de douane, a-t-elle poursuivi, accusant certains proches du président d’avoir profité de ce « délit d’initié ». « Je suis très intéressée de savoir quels membres du Congrès ont acheté et vendu des actions dans les 24 heures qui ont précédé les annonces » présidentielles, a-t-elle conclu.
L’attaque la plus virulente contre les trumpistes a sans doute été menée par Steven Horsford, élu démocrate du Nevada, qui a appris le rétropédalage douanier alors que son comité parlementaire auditionnait Jamieson Greer, le représentant américain au Commerce nommé par Donald Trump et chargé d’exécuter sa politique économique. « Il semble que votre patron vient juste de vous couper l’herbe sous le pied », a lancé l’élu démocrate, visiblement très remonté et cité par PBS News.
Pour se justifier, le trumpiste a martelé le discours de la Maison Blanche, assurant qu’annoncer puis reporter les surtaxes était un moyen de renégocier et « réinitialiser le fonctionnement global des échanges commerciaux », supposément défavorable aux États-Unis. Des propos qui n’ont pas du tout convaincu Steven Horsford. « Les droits de douane peuvent être utilisés pour protéger les emplois, mais ce n’est pas ce que votre politique fait, a-t-il cinglé. Si ce n’est pas de la manipulation des marchés qu’est-ce que c’est ? Qui en bénéficie ? Quel milliardaire vient de s’enrichir ? »
Les trumpistes assurent que le but était de « rassurer les marchés »
Du côté de la Maison Blanche, on assure que le message de Donald Trump sur TruthSocial n’avait rien d’illégal. « Il est de la responsabilité du président des États-Unis de rassurer les marchés et les Américains sur leur sécurité économique face à l’alarmisme permanent des médias », a commenté Kush Desai, porte-parole de la présidence américaine.
En règle générale, les cas de manipulation du marché ou de délit d’initié sont d’abord examinés par les marchés financiers eux-mêmes, a expliqué James Angel, professeur de finance à l’université de Georgetown interrogé par le Washington Post. En cas d’« anomalies dans les transactions » ou de « schémas inhabituels chez les traders individuels » un signalement peut être fait à la Securities and Exchange Commission (SEC) qui détermine s’il y a de quoi monter un dossier.
Reste à voir si cette instance de surveillance boursière épinglera des fautes commises par les trumpistes. Certains démocrates, comme Steven Horsford, demandent une enquête approfondie tout en reconnaissant qu’elle sera difficile à réaliser. Comme le rappelait Reuters le 21 mars dernier, « des centaines » d’employés de la SEC devraient bientôt prendre la porte, ce qui pourrait « entraver les efforts pour réguler les marchés ». D’après des sources citées par l’agence, elles ont accepté un plan de départ qui était proposé… à l’initiative de l’administration Trump.
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